Cuzco fut la capitale de l’empire inca du XIème siècle jusqu’à 1533, date de l’invasion des Conquistadors qui détruisirent une grande partie de ville. La ville conserva son influence quelques temps encore, grâce notamment à son statut de carrefour sur l’axe économique transandin, mais son importance déclina rapidement par la suite, au profit d’Arequipa et Lima. La découverte du splendide site du Machu Picchu en 1911 réorienta les projecteurs vers elle et en fit la véritable capitale touristique du Pérou.
La ville propose un très beau mélange architectural, alliant vestiges de l’ère inca et imposantes constructions ordonnées par les conquistadors. Ces derniers se sont semble-t-il donné beaucoup de mal à tenter d’effacer les traces du passé. La très belle Plaza de Armas se dresse sur un ancien lieu cérémonial. L’endroit a été totalement modifié par les Espagnols qui édifièrent en lieu et place d’un palais inca une très belle cathédrale ainsi que des bâtiments en arcades de pierre. De nombreux autres églises et couvents de styles variés sont visibles dans le quartier central.
Un peu plus loin sur les hauteurs on découvre le quartier de San Blas, un des plus pittoresques de la ville avec ses nombreuses maisons coloniales aux murs blancs et fenêtres bleues. C’est également un lieu prisé des artisans ; il est donc très agréable de parcourir ses rues étroites et pentues.
La plupart des complexes de ruines se situent à quelques kilomètres à l’extérieur de la ville, mais certains murs de l’ancien palais inca demeurent quasiment intacts et témoignent du remarquable talent que les autochtones avaient pour la construction de ces énormes parois de pierre : sans mortier et avec un ajustement parfait des pierres. Dans un petit passage réservé aux piétons, la pierre aux 12 angles est devenue célèbre auprès des touristes.
Je suis certaine que la ville de Cuzco avait encore des dizaines d’autres sites digne d’intérêt à nous proposer mais il faut reconnaître que nous étions essentiellement absorbés par l’organisation (quelque peu complexe) de la visite du Machu Picchu (à tel point que nous avons failli abandonner l’idée d’y mettre un jour les pieds….si…si).
Je m’explique : le Machu Picchu s’élève au-dessus de la petite ville d’Agua Calientes dans laquelle les touristes se rendent généralement en prenant bus et train. Un billet aller-retour revient à environ 100 USD par personne ; à cela il convient bien sûr d’ajouter le prix d’entrer du site, soit 40 USD. Et je vous fais grâce du prix de la nuit d’hôtel à Agua Calientes….bref, pas besoin d’être un génie en maths pour comprendre que cette excursion ne colle pas du tout avec notre budget de 50-60 euro par jour pour nous deux… nous faut-il donc renoncer à visiter un des lieux qui hantent mes rêves depuis de longues années ??? et bien non, car après quelques recherches nous réalisons qu’il existe différentes façons de rejoindre le Machu Picchu. Sportifs et aventuriers dans l’âme, nous optons pour un trek de 5 jours autour du pic du Salkantay. Au programme donc, 4 jours de marche (intense) pour terminer en beauté par la citadelle inca. Cela peut paraître incroyable mais oui, 5 jours de marche avec guide, nuits sous tente, mules pour porter les sacs, 3 repas par jour, frais d’admission sur le site et retour en train/bus, cela nous revient bien moins cher ! Pas besoin de réfléchir très longtemps, on signe illico presto et nous voilà embarqués dans une mémorable aventure de plein air.
Je me suis pas mal renseignée par internet sur ce genre d’excursions et ce que j’y ai trouvé n’était pas très rassurant. Beaucoup d’arnaques et donc beaucoup de plaintes de la part des touristes. Certains récits virent même au cauchemar avec des lacunes inacceptables de la part des agences organisatrices (style pas assez de tentes ou sacs de couchage pour tout le monde, pas assez de nourriture, pas de ticket de train pour rentrer, etc, etc….). Dans le bus qui nous amène au point de départ de cette longue randonnée, on espère en silence que les galères se feront discrètes au cours des prochains jours.
Ça commence pourtant plutôt mal lorsque, sortis du bus, on se rend compte qu’on fait partie d’un groupe de 19 personnes, alors qu’à l’agence on nous avait assurés (idem pour les autres) qu’on ne serait pas plus de 10 personnes. Ce n’est pas bien grave et après tout plus on est de fous, plus on rit, mais je ne peux m’empêcher de me demander s’il va falloir se battre pour avoir une tente ce soir….
Le trajet est plus long que ce qu’on s’imaginait et ce n’est qu’après plus de 7 heures de marche qu’on atteint le camp où nous passerons la nuit. Les deux jeunes guides ont bien du mal à s’adapter aux différents rythmes des marcheurs et les plus lents sont presque abandonnés en queue de peloton.
Les repas sont bons et en quantité suffisante et les tentes en bon état. Ouf ! et d’ailleurs autant rompre le suspens tout de suite, nous ne connaîtrons pas de galère d’ici la fin du trek (tant mieux !). On peut donc pleinement profiter de ces quelques jours de marche dans un cadre naturel absolument magnifique.
Le second jour fut particulièrement éprouvant physiquement, mais si les muscles des membres inférieurs ont souffert, ceux des yeux se sont régalés et ne savaient plus où donner de la tête. La matinée, nous n’avons fait que grimper des pentes très raides pour atteindre le point culminant de notre trek, à 4600 mètres, avec un panorama époustouflant sur le Salkantay (6271m). L’après midi commençait la descente vertigineuse vers la vallée sacrée (qui allait durer deux jours encore). Nous quittons les pentes enneigées pour pénétrer progressivement dans une végétation de type tropical, c’est très chouette ! Nous passons la seconde nuit dans un charmant petit campement situé à flanc de falaise avec vue sur la vallée au-dessous de nous, c’est magique !
Le lendemain, on rechausse nos chaussures de marche pour poursuivre la descente dans le fond de la vallée. On termine la journée relativement épuisés dans la petite bourgade de Santa Teresa, qui ne présente absolument aucun intérêt si ce n’est les sources thermales situées à quelques kilomètres de là, et qui sont une vraie bénédiction pour nos muscles endoloris.
4ème et avant dernier jour : on longe quelques heures durant la rivière Urubamba sur un sentier très poussiéreux, avant de rejoindre une centrale hydroélectrique où nous nous arrêtons pour le déjeuner. Là, un malheureux survient qui met un coup au moral de certains d’entre nous. Alors que nous attendions sagement nos assiettes de soupe, Carlos, un brésilien costaud a entrepris pour s’amuser de faire des bras de fer avec les autres gros bras du groupe. Après s’être mesuré à un des deux guides, il défie Garry, un anglais très sympa (et apparemment moins baraqué que lui) à ce jeu. Je ne les voyais pas de là où je me tenais, mais j’ai entendu le bruit…un bruit sec, très fort. Et puis j’ai vu une des filles du groupe arriver près de moi, le visage très pâle. Elle me demande : « tu as vu ce qui s’est passé ? – Non, quoi ? – il lui a cassé le bras….Garry a cassé le bras de Carlos ! ». quand j’écrivais plus haut que nous n’avons pas eu de galère pendant le trek, je voulais dire, nous, Bibi et moi…pas les guides, parce que se retrouver au milieu de nulle part, avec un touriste qui vient de se casser le bras, ce n’est pas très cool. Heureusement pour Carlos, le chantier en cours dans la centrale hydro électrique fait qu’il y a de nombreux ouvriers et baraquements. Bibi a la présence d’esprit de faire remarquer qu’il y a sûrement un médecin sur le site. Il avait raison. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Carlos reçoit une bonne dose de morphine et est envoyé en taxi vers Agua Calientes d’où il prendra le train pour rentrer à Cuzco. Pas de chance pour lui et ses deux amis qui ne verront pas le Machu Picchu ce coup-ci…
Après toutes ces émotions, nous reprenons notre route. Nous longeons pendant plusieurs heures la voie ferrée (en fait on marche carrément dessus et ce n’est pas marrant du tout). On arrive enfin dans la charmante petite ville d’Agua Calientes en fin d’après midi où un bon repas chaud nous attend. Pas trop le temps de faire la fête ce soir car demain matin il faut se lever tôt pour monter jusqu’à l’entrée du site.
Nous démarrons à 4h30, à grand renfort de lampes frontales et ponchos, car évidemment il fait noir et il pleut. Nous grimpons pendant une bonne heure et arrivons devant les guichets un peu avant l’ouverture. Nous ne sommes pas les premiers. En fait il y les ruines à visiter, mais on peut également monter au sommet d’un gros rocher qu’on voit sur toutes les photos et qui se trouvent à l’arrière du site. Il s’agit du Huayna Picchu, mais seuls les 200 ou 300 premiers visiteurs reçoivent un droit d’admission à ce site. Pour l’instant il pleut toujours et on ne voit pas grand-chose ; on ne voit pas trop l’intérêt de se taper encore une heure de grimpette pour nous retrouver dans le brouillard… on espère que le temps va s’améliorer, mais malheureusement ce n’est pas le cas.
Nous participons à une visite guidée plus que médiocre qui était également incluse dans notre ‘package’, et durant laquelle nous n’apprenons rien de particulier sur l’histoire du site. La balade au milieu des ruines est tout de même très chouette. Je regrette un peu de ne pas m’être davantage documentée sur la civilisation inca pour mieux comprendre l’importance et la signification de ce fabuleux site.
Entouka, ce qui fait la vraie beauté du Machu Picchu, ce sont surtout les montagnes environnantes, et cela on peut en profiter, malgré la brume qui s’incruste. En fin de matinée les nuages se dispersent et un rayon de soleil traverse le site ; c’est vraiment superbe, mais malheureusement l’éclaircie ne dure pas. Cela fait longtemps que nous sommes là, il fait froid et humide, et les snacks sont hors de prix. On décide donc de redescendre à Agua Calientes et d’y attendre le train.
Voilà, nous pouvons désormais cocher la case ‘Machu Picchu’ sur notre carnet de route. Je suis contente d’y être allée mais je ne crois pas y retourner un jour. Nous sommes surtout vraiment satisfaits d’avoir opté pour le trek, ce qui nous a permis d’admirer une fois de plus les merveilles de la Nature. Ce n’est d’ailleurs que récemment que j’ai réalisé que le trek du Salkantay avait été classé parmi les 25 plus beaux treks au monde par le National Geographic Travel Magazine ; un choix auquel nous ne pouvons qu’adhérer !!